Crise financière: réponse à Nicolas Sarkozy

Publié le par Jean LE DUFF

L'article qui suit est repris intégralement dans "L'HUMANITE DIMANCHE" de cette semaine. Il est de Francis WURTZ, eurodéputé et président  du groupe de la Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique
(GUE-GVN)
.

Ainsi donc, pour le président de la République, "une certaine idée de la mondialisation s'achève", "l'idée de la toute puissance du marché était une idée folle" et "cette crise marque la fin d'un monde"... L'Union européenne doit bousculer ses propres dogmes" a-t-il ajouté, réclamant même une "réflexion collective" sur sa doctrine de la concurrence, les instruments de sa politique économique et les objectifs de sa politique monétaire!

Spontanément, on a envie de dire : "mieux vaut tard que jamais", en matière de prise de conscience de la folie de
ce système! A condition d'en tirer des conséquences à la hauteur de ce rude constat!

La toute puissance des marchés? C'est exa
ctement ce qu'exprime la devise centrale de tous les traités européens de ces quinze dernières années: "l'économie de marché ouverte où la concurrence est libre", ainsi que cette autre obligation sacrée inscrite en lettres d'or dans les tables de la loi de l'Europe libérale qu'est  la "libre circulation des capitaux". C'est au nom de ces principes réputés intangibles que les dirigeants européens -Français compris- ont jusqu'ici collectivement nourri des mécanismes diaboliques qu'aujourd'hui ils ne maîtrisent plus! A commencer par le président de la Banque centrale européenne (BCE)!

Je rappelle que 5 mois après le déclenchement de la crise des subprimes, M. Trichet ne parlait encore que de
simples "corrections de marchés" et annonçait "une croissance robuste même s'il y a un léger ralentissement"! Trois mois plus tard, le même plaidait devant la commission des affaires économiques et monétaire du parlement européen pour qu'on "donne une chance au secteur privé de s'autoréglementer"... Quelle perspicacité!

Si un système voit lui échapper ainsi ses propres créatures, c'est qu'il est en crise essentielle. Est-ce à celà que pense, en son for intérieur, M. Sarkozy en évoquant  "la fin d'un monde"? En tout cas, si les mots  ont un sens, cette formule appelle à l'action pour faire émerger un "monde nouveau". Dans cet esprit, j'ai eu l'occasion d'évoquer, au Parlement européen, la veille du discours du président de la République à Toulon, "trois exemples de dogmes à bousculer".

En premier lieu, il faut rompre avec une conception de la productivité fondée sur l'abaissement des coûts salariaux et des dépenses sociales. Il faut inverser la tendance continue à la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Plus cette part a diminué, plus les spéculations se sont emballées, dopées par l'excès d'argent facile. La source de l'inflation n'est pas dans les salaires. Elle est du côté des turpitudes des opérateurs financiers.

En deuxième lieu, il faut rompre avec la dépendance absolue des marchés pour financer l'économie, car ils ne la finance plus, ils l'empoisonnent. La BCE a, avec sa création monétaire, un rôle déterminent à jouer pour orienter l'argent vers l'économie socialement efficace : celle qui crée des emplois, promeut la formation, développe des services publics, réalise des productions durables et des services utiles, donne toute sa place à la recherche -développement, respecte les entreprises publiques et l'intérêt général, et fait prévaloir la coopération sur la guerre économique!

Mais pour celà il faut changer la mission de la BCE et en contrôler démocratiquement la mise en oeuvre effective! Elle doit refinancer les banques avec des taux d'intérêt très différents selon qu'il s'agit de crédits destiner à l'économie saine que je viens d'évoquer ou, au contraire, voués aux opérations financières malsaines. Les conditions d'accès aux crédits doivent être très avantageuses dans le premier cas et extrêmement dissuasives dans le second. Dans le même temps, il faut naturellement des contrôles rigoureux des banques et des fonds.  Il faut également instituer une taxe sur les mouvements de capitaux financiers. Et il faut travailler à la refondation des institutions économiques internationales, comme vient de le réclamer avec force -et avec raison- le président Lula devant les Nations unies.

En troisième lieu, enfin, il faut rompre avec la suffisance et la condescendance d'une petite élite expliquant aux citoyens qu'il n'y a pas d'autres choix qui vaillent que les siens.

Nicolas Sarkozy viendra au Parlement de Strasbourg le 21 octobre. Répondra-t-il à cette interpellation?




Publié dans Enjeux de société

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