La France malade de la Dette
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Dette (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Qui permit d'enrichir en un jour moult patrons
Faisait au genre humain la guerre.
Tous ne mouraient pas, beaucoup étaient frappés :
On les sentait préoccupés
Se demandant s'ils auraient du boulot
De quoi manger, un toit pour leurs marmots.
Même les banquiers se faisaient du mouron,
Craignant qu'on leur demande de rendre le pognon
Dont ils avaient usés pour spéculer en bourse
Où l'on risque l'argent comme sur les champs de courses
Au lieu de l'investir pour créer de l'emploi
Pour donner du travail à ceux qui n'en n'ont pas.
Sarko tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Moi, pour satisfaire mes amis les plus riches
J'ai laissé faire, m'aidant de ceux qui trichent
Alors que les plus pauvres ont du mal à survivre,
Que les restos du cœur peuvent manquer de vivres
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit la Pécresse, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
S'il n'y a plus de pauvres à qui faire l’aumône
Sans nos amis les riches la vie serait atone
Et terne, plus de Yachts, de Fouquet's, plus de liesses.
Les pauvres ont bien des chances d'aller en Paradis,
Les y aider est-ce un péché ? Vous leur faites Seigneur
Les dépouillant, beaucoup d'honneur.
Ainsi dit la Pécresse, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
De Bettancourt à Woerth ni du cadeau de Lagarde à Tapie,
Ni des autres puissances de l'affaire Karachi,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens bien pourvus et d'argent et de biens
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
Vint le tour du monde du Salaire. Il dit : J'ai souvenance
D'avoir manifester pour ne point trop maigrir
Devant les prix qui montent, craignant pour mes enfants
Quelque diable aussi me poussant,
Je me suis mis en grève, je me suis rebellé
Comme j'en avais le droit, et je me suis bien aussi battu pour ma retraite,
Puisqu'il faut parler net, j'ai pu provoquer quelques gênes je crois.
A ces mots on cria haro sur le Salaire
Quelques Loups du sérail en hurlant l'accablèrent
Il fallait « dévouer » ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Vouloir ne point maigrir ! quel crime abominable !
On allait lui mettre la ceinture à ce diable
La resserrer d'un cran et plus, rien d'autre que la diète n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
C'est ainsi qu'on prétend faire payer au Travail la Dette
Pendant que le Capital se gave et refuse de se mettre à la Diète.