Plateforme logistique: lire entre les lignes.

Publié le par Jean LE DUFF

"Le Journal des ENTREPRISES", une publication éditée par le Télégramme de Brest s'intéresse dans son numéro du 4 avril à la plateforme logistique en projet sur Châteaubourg-Domagné. Je ne reviendrai pas dans cet article sur les données objectives qui font que ce projet ne tient pas la route. Je me bornerai à relever dans les propos des uns ou des autres, tels qu'ils sont relatés dans la publication citée, ce qui dévoile les motivations profondes de ce projet.

Ainsi on lit ceci: "...la commune est idéalement située sur l'axe Brest-Paris -notamment pour les chauffeurs routiers qui peuvent y faire leur pose réglementaire après 4h30 de route depuis la pointe de la Bretagne- ...

L'objectif est donc bien d'utiliser un endroit stratégique pour favoriser les transports routiers et non de créer les conditions pour transférer le fret routier sur le ferroviaire.

Monsieur Burel soulève la question suivante en référence au projet de plateforme logistique de Laval trente minutes plus à l'est: "Quand on me dit que c'est la Bretagne qui doit porter ce projet, je dis OK mais est-ce que, comme l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, deux collectivités ne pourraient pas se mettre d'accord". Un point de vue qui n'est partagé ni par Laval ni par Rennes. On ne va pas favoriser un projet concurrent lui rétorque François Leblond, chef de projet logistique à la CCI de Rennes.

Ainsi, alors que l'on tente de faire adhérer les élus locaux et la population à ce projet au nom de l'intérêt général, un responsable de la CCI parle de concurrence quand on lui dit coopération, co-réalisation... "L'intérêt général" n'est-il pas le cache sexe dont les "Tartuffe" de la plateforme abusent pour que les intérêts particuliers ne soient pas mis sur la table? L'article poursuit: "Et François Leblond de regretter que le syndicat mixte d'études ait été prolongé jusqu'à la fin septembre"... Monsieur Leblond souhaiterait donc passer en force?

Je rapportais dans mon article du 23 février ce propos de Gérard Lahellec, vice-président du Conseil Régional :
Je regrette que les études n'aient pas intégré la totalité de ce que je réclamais mais c'est la conséquence même de la décision souveraine du Syndicat Mixte, piloté par M le Maire de Domagné.  Ainsi, où sont les études de marché?  Comment vérifier que l'effort  d'investissement demandé aux collectivités publiques sera suivi d'un retour économique favorable? Quand Monsieur Leblond répond "concurrence" alors qu'on lui dit coordination, convergence, co-responsabilité comment ne pas pensé qu'il se fout de l'intérêt général comme de sa première chemise. Mais, malgré tout, quant au site de Châteaubourg, Monsieur Leblond est bien obligé d'admettre "qu'il est conscient de ses faiblesses"

Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que ces "faiblesses" ont un coût. Mais M. Leblond s'en fiche, se sont les contribuables qui payeront. Les actionnaires sont très exigents sur les fortes rentabilités financières à court terme mais que les déficits publics s'accroissent par des investissement inconsidérés, ce monde là n'en a cure. On utilisera bien  à un moment ou à un autre la suppression de l'emploi comme variable d'ajustement. N'est-ce pas ce qui se passe aujourd'hui dans l'Education Nationale?

Mais revenons à l'article du "Journal des ENTREPRISES". Indépendamment des questions environnementales et du cadre de vie des riverains de l'infrastructures projetée dont on en parle manifestement pas entre "gens de bonne compagnie" demeure la douloureuse épine des finances. Monsieur de Legge, adjoint au finance de Vitré communauté pointe: "Le montage financier nous paraît à ce stade léger. Dans les coûts il manque une ligne constituée par les frais de portage. Quand vous faîtes des travaux vous payez cash alors que vous n'allez pas tout vendre quand la plateforme sera opérationnelle. A Toulouse çà a mis dix ans. Et quand on me dit que l'on va vendre les terrains à 24€ le m2, je m'étonne. Les logisticiens n'achète pas à ce prix-là".

Et il poursuit: "On a une lettre du Conseil Général qui nous dit qu'il va payer, mais on ne sait pas combien. La Région ne dit rien et on affirme que l'Etat va payé. On a déjà du mal à boucler le projet du TGV, alors est-ce qu'on peut penser un seul instant que la SNCF, RFF et l'Etat vont rajouter? Il faut être sérieux dans la vie".

La référence au TGV exprimée par M. de Legge est particulièrement fondée. Dans le quotidien "l'Humanité" daté du mercredi 9 avril on lit en bas de page 11 un titre qui s'étale sur cinq colonnes:
 "Les Bretons versent un milliard pour le TGV"
avec pour sous-titre:
BRETAGNE-PAYS * DE LA LOIRE  Pour compenser les insuffisances de l'Etat, les deux collectivités vont payer un tiers de la facture, soit un milliard d'euros, pour la future ligne à grande vitesse.

Autant on peut comprendre "l'intérêt stratégique" du projet de LGV et "l'urgence d'utilité publique" qui fondent l'engagement financier des régions dans ce projet assuré d'un retour rapide sur investissement, autant les agitations économico-politiciennes autour du projet de plateforme logistique paraissent à la fois dérisoires et dramatiques. On pourrait en rire si l'on ne craignait pas si fortement d'avoir rapidement à en pleurer.

Agitations économico-politiciennes venons nous d'écrire. Pierre Méhaignerie, autrefois porteur du projet quand il était encore président du Conseil Général d'Ille et Vilaine semble aujourd'hui très mal à l'aise. Qu'on en juge. Soucieux de ne pas se couper des couches sociales qui dominent à la CCI ou à la Chambre d'agriculture il ne voudrait pas être celui qui cassera le joujou pour lequel quelques enfants turbulents trépignent. Dans cette partie de poker menteur la carte financière  est manifestement une carte maîtresse. "Vitré veut avoir la confirmation écrite de ce que chacun met dans la balance" explique Pierre Méhaignerie", ou encore, "On ne veut pas aller à l'aventure financière". "Nous ne demandons pas mieux que le raccordement à la voie ferrée, mais nous voulons être sérieux. Nous sommes responsables de l'argent public devant les électeurs, nous ne faisons pas de la com".

Saluons le parti-pris vertueux, même si, tout au début, M. Méhaignerie présentait le raccordement à la voie ferrée comme incontournable. Voici la multimodalité réduite à la monomodalité en recul devant l'inconfort de la bimodalité. Et puis les réalités ayant la dent dure "le président de Vitré-Communauté se demande si le site au sud de Châteaubourg est bien le meilleur". Nous estimons que la SADIV n'a pas fait un travail approfondi. Donnons acte à M. Méhaignerie de cette appréciation, mais que je sache la société d'étude diligentée par Monsieur Méhaignerie au lancement du projet n'avait pas fait mieux. Apprécions toutefois l'évolution constatée. La sagesse peut encore avoir son mot à dire. Formons les voeux les plus intenses pour qu'il en soit ainsi.

La "patate chaude" est maintenant dans les mains de Monsieur Normand, adjoint au maire de Rennes, vice-président du Conseil général en charge de l'Economie. On peut comprendre qu'après avoir conquis le pouvoir départemental le PS ne souhaite pas se mettre à mal avec l'univers des entreprises, d'autant plus que la ville de Rennes et Rennes métropoles ont beaucoup à gagner si ce projet se concrétise. Monsieur Normand ne veut donc pas que le projet avorte d'où sa tendance à minimiser les inconvénients. Il monte donc toujours aux créneaux...

En réalité, je l'ai déjà écrit, fondamentalement indigent parce qu'il ne prend en compte que des intérêts localisés au bassin de Rennes, ce projet ne s'inscrit pas dans une véritable dynamique régionale ou interrégionale. Les espérances que l'on peut fonder sur lui sont étriquées et ne sont pas à la hauteur d'une véritable ambition régionale. Quand un problème est mal posé il ne peut déboucher sur des solutions porteuses. Il faut repartir à zéro. Mieux vaut renoncer avant de mettre en oeuvre des investissement exagérés qui ne peuvent déboucher que sur un raté retentissant.

Publié dans Economie locale

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