Prospective et logistique: 2/ A propos des motivations rennaises

Publié le par Jean LE DUFF

Je ne discuterai pas ici des motivations générales avancées dans le document édité par la chambre de commerce et d'industrie en mars 2004, motivations exprimées sous le sous titre « 4 mots clés pour répondre ». Les motivations générales sont généralement parées de la vertu des « bonnes intentions ».

Les choses deviennent plus intéressantes quand on aborde plus objectivement l'exposé des motifs. Donnons acte à la CCI de Rennes et au cartel « Force 5 » du constat de l'absence de « zone logistique dédiée » et de « la faiblesse actuelle du transport combiné rail-route dans le Grand Ouest » encore reste-t-il à préciser ce « Grand Ouest ». La zone urbaine de Le Mans en fait-elle partie? Par ailleurs, la plateforme portuaire du Hâvre est-elle insuffisamment raccordée au fer? La zone de Nantes est-elle dépourvue de ce type de liaison? L'accumulation même de ces questions met en évidence que la vraie question qui se pose est celle de la pénétration en Bretagne d'une liaison fer pertinente pour l'arrivée ou l'expédition du fret. Rappelons toutefois le sous emploi constaté des infrastructures ferroviaires qui existent encore à Rennes.

Donnons acte encore à la CCI et à « Force 5 » de l'intérêt que représente l'A84 pour les liaisons Nord-Sud. Rappelons toutefois que dans l'article précédent j'ai mis en évidence qu'une liaison routière de qualité comparable à l'A84 existe aussi entre Le Hâvre et Tours et qu'à ce niveau on rejoint le grand corridor Nord-Sud vers Bordeaux et la péninsule ibérique. Il est aussi probable que dans le projet de faire de Caen le « Port à sec » du Hâvre il doit bien y avoir comme idée de mieux utiliser les infrastructures ferroviaires qui lient Caen au Mans via Argentan et Alençon et par delà à Saint-Pierre-des-Corps-Tours. Caen représente aussi la possibilité d'un meilleur racccordement par fer à la Bretagne puisqu'à partir de Caen-Mézidon on peut par le rail joindre, via Dol de Bretagne, Saint-Brieux et Brest , Rennes et Nantes. La carte des liaison ferrées existantes ci-dessous illustre ce qui vient d'être avancé.

 



Admettons toutefois que l'on parie à moyen ou plus long terme, non pas sur la concurrence mais sur la complémentarité des deux « corridors » via Le Mans ou via Rennes et, que de ce point de vue, il soit stratégique de miser sur l'implantation d'une plateforme logistique multimodale sur l'axe Caen-Nantes via Rennes, matérialisé par l'A84 mais aussi, complémentairement, par la RN 175 et la voie ferrée Rennes-Caen. Je l'admets d'autant plus volontiers qu'il me semble qu'il serait aussi pertinent d'observer que la mise à 4 voie de la RN 12 est en cours d'achèvement de Paris à Alençon. Que pour aller d'Alençon à St Brieuc (245km) 95km sont déjà en voie-express et qu'il est plus cours de passer par Avranches et Dol de Bretagne que de passer par Fougères.

  Je ne récuse pas le constat que la Bretagne soit un bassin de consommation important. Je dis bien « La Bretagne » et pas seulement le bassin Rennais. Pour aller vite, observons que la population de la Bretagne est de l'ordre de 3 millions d'habitants. Ceux-ci se répartissent en 3 zones. Une zone centre avec le Morbihan et les Côtes d'armor qui pèse 1,2 millions d'habitants et deux zones, le Finistère et l'Ille et Vilaine qui s'équilibrent sensiblement avec chacune de 850.000 à 900.000 milles habitants. Observons encore que la période estivale grâce à la vocation touristique de notre région vient augmenter cette population et, du fait de leur littoral particulièrement important, les zones centre et ouest, même si la zone côtière de Saint-Briac au Mont Saint Michel est loin d'être négligeable. Alors, peut-on affirmer sans réserve et sans précaution que « la région de Rennes apparaît comme le réel barycentre de l'Ouest, permettant de couvrir l'ensemble de la Bretagne et les département limitrophes »?

Parler des départements limitrophes, c'est parler de La Manche, de La Mayenne, du Maine et Loire, de la Loire Atlantique. Peut-on nous préciser pour quel flux, le passage par le bassin rennais serait indispensable? Et, même dans ce cas, pourquoi se déplacer vers l'est de 25 km si l'on pense à favoriser des liaisons nord sud ou plus prosaïquement faciliter la distribution vers les zones de consommation du bassin rennais?

En fait, là ou le renard pointe le bout de l'oreille, c'est quand on écrit : « Pour éviter que la demande potentielle ne soit captée par d'autres villes proches, la création d'une zone d'activités logistiques en Ille et Vilaine s'impose à brève échéance. » Ainsi on se place bien dans une optique de concurrence et de rivalité et pas dans une optique de coopération et de qualité des services à rendre à la population. Et, c'est pour servir la concurrence et peser sur les rivalités latentes qu'il faudrait que les collectivités territoriales et au travers d'elles les contribuables mettent la main au portefeuille?

Il serait quand même temps que l'on cesse de prendre les citoyens pour des imbéciles. En l'état actuel des échanges et des débats il apparaît qu'il y a une meilleure connaissance du dossier de la plateforme du côté des associations qui s'y opposent que du côté des élus qui auront à ce prononcer. Il n'est pas trop tard pour que ceux-ci creusent vraiment la question. Encore faut-il qu'ils ne se bornent pas à n'écouter qu'un seul son de cloche celui des intérêts économiques privés qui, pour le seul fait qu'ils se manifestent, ne suffisent pas pour autant à se poser comme l'expression de l'intérêt général.

Dans un troisième article je m'efforcerai de développer ce qui, à mon sens, à partir d'un point de vue régional et d'intérêt public , fonderait une meilleure décision d'implantation de la plateforme logistique multimodale souhaitée.

 

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