Mai 1968: le multiface de la vérité

Publié le par Jean LE DUFF

Nous assistons ces jours-ci à une débauche de célébrations verbales des évènements de mai 1968. Les médias n'ont qu'à puiser dans le vivier, car, la liste est longue  des histrions à la Cohn Bendit aux ultras révolutionnaires du verbe, qui se sont depuis rangés bien au chaud dans les multiples plis des synécures que le monde capitaliste sait aménager pour ceux qui lui permettent de durer.

La France s'était dégagée du bourbier algérien. La SFIO qui s'était déconsidérée en trahissant les aspirations populaires à la paix, en jouant le jeu des ultra-colonialistes avec certains de ses membres comme Robert Lacoste ou Max Lejeune  et en collaborant au retour de De Gaulle au pouvoir après le putsh d'alger en 58 n'était plus une force de gauche crédible. Déjà la recomposition de la social-démocratie était en marche avec Rocard et Miterrand. Seul le PCF dont les militants avaient mouillé la chemise contre la guerre d'algérie bénéficiait dans l'opinion d'une image positive. Il demeurait un obstacle à toute recomposition convaincante de la gauche sur une base réformiste.  Alors il fallait s'efforcer de le discréditer.

La France de 1968 grondait. La mise au pas de l'éducation nationale était engagée par le ministre Fontanet. Des mouvements divers secouaient le monde du travail. Les nouvelles et nombreuses générations d'après guerre, qui avaient grandi dans le climat revendicatif , les aspirations au mieux-être  de leur parents que l'occupation nazie avait corsetées, développaient des aspirations libertaires. Ce mouvement d'un nouveau genre a démarré dans les milieux étudiants entrainant une répression policière contre laquelle se mobilisa à son tour le monde du travail. Les grèves se développèrent d'abord dans les services publics et les entreprises d'Etat,  puis elles gagnèrent les entreprises privées, souvent marquées par une forte détermination des salariés.

C'est ainsi que le gouvernement Pompidou finit par admettre au bout de deux semaines qu'il était préférable de négocier. Cette négociation, assumée essentiellement côté syndical par la CGT, déboucha sur les accords de Grenelle. Le monde du travail y gagna une augmentation de 35% du SMIG, des hausses de salaire de 10 à 15%, la reconnaissance des organisations syndicales dans les entreprises. Suite à ce mouvement, l'éducation nationale connut un nouvel élan de développement.

Pour importantes que soient de telles avancées, on sait, qu'elles ne sont jamais à la hauteur des espérances, mais, pour obtenir davantage, il faut être prêt à se battre longtemps et opiniâtrement. Les élections législatives qui ont suivi en juin 68 ont donné la majorité à la droite, preuve s'il en était besoin que la "révolution" préconisée par les gauchistes était loin d'avoir gagné la partie.

Il se trouva cependant une brochette de révolutionnaires en herbe pour tenter dans ce contexte une opération contre le parti Communiste et la CGT. Ils se nommaient Cohn Bendit, Geismar, Sauvageot, Rocard, Edmond Maire, Jacques Chérèque. Il tentèrent au stade Charletty à Paris de réorienter contre la CGT et le parti communiste la dynamique du mouvement protestataire
.

C'était il ya 40 ans. Les "révolutionnaires" de l'époque n'ont pas effrayé la machinerie capitaliste. Pour la plupart ils y ont trouvé une bonne place de gestionnaire pour que perdure l'exploitation de la majorité des travailleurs par une minorité qui s'accapare le fruit du travail. Ils ont contribué à faire douter de la possibilité d'un autre monde plus juste et c'est pourquoi la vie est devenue aujourd'hui plus difficile.

Pour terminer cet article laissons parler ces quelques couplets mis en musique par Jean Ferrat.
Ils ont troqué leur col Mao
Contre un joli costume trois-pièces
Ils ont troqué leurs idéaux
Contre un petit attaché-case
Citoyens de Paris ma ville
La plage est loin sous les pavés
Vivez en paix dormez tranquilles
Le monde n'est plus à changer

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Pour une tenue plus libérale
Le vieux slogan du père Guizot
Est devenu leur idéal
Nos soixante-huitards en colère
Reprennent un refrain peu banal
C'est enrichissez-vous mes frères
En guise d'Internationale

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Et leur vieux look égalitaire
Pour un costume plus rigolo
C'est la chasuble humanitaire
Ils font la quête avec délice
Chez ceux qu'ont plus rien à donner
Et pour établir la justice
S'en remettent à la charité

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Pour des tenues plus officielles
Depuis qu'ils fréquentent à gogo
Les cabinets ministériels
Ah quel plaisir en redingote
Sur le perron de l'Elysée
De se faire lécher les bottes
Par des journalistes avisés

C'est toujours avec les jeunes imbéciles
Qu'on le veuille ou non
C'est toujours avec les jeunes imbéciles
Qu'on fait les vieux cons



Publié dans Histoire Vécue

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